CHAPITRE 10
Le chemin fût long y’a pas à dire, mais quel plaisir de pouvoir enfin contempler ces barres métalliques appelées communément des rails.
M. Gael les longe en espérant retrouver rapidement sur sa voiture.
Malgré une bien longue marche, l’impression d’avancer ne se fait point sentir. La lumière révèle sans arrêt les planches supportant ces interminables rails.
Ah ! Le chemin se termine ici. Une crevasse qui coupe la voie.
M. Gael marche le long des bords, et constate que c’est bien plus qu’une crevasse : C’est un énorme gouffre sans fond qui bouffe tout le paysage ! Comme si le terrain fût englouti par le centre de la planète.
Il fait demi-tour.
En chemin, une lumière apparaît. M. Gael se demande ce que c’est, elle grossit.
Non, elle s’approche, le sol tremble.
Mais, c’est... UN TRAIN ! Il se précipite sur le côté et manquant de peu de se faire percuter.
Allongé, il regarde ces formes humaines s'agiter violemment dans les wagons, avant que le train se précipite dans le gouffre. Un silence s'en suivit.
M. Gael pris de panique s’éloigne en courant.
Rien ne le poursuit, mais la fatigue le rattrape. Il s’assoit. Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour une cigarette !
Il s’assoupit un moment. Ses yeux se ferment.
Où... où suis-je ? J'ai du mal à voir.
Des...des gens ? Ils sont tout blancs. Suis-je mort ? C’est quoi cette machine ?
Il... il y a quelqu’un qui pleure. Enfin, je crois. Mais...!
Ma... maman ? Pourquoi pleures-tu ?
M. Gael se réveille brusquement. La radio grésille, mais différemment. Une voix se fait entendre. Une femme on dirait.
« ......je ...... ...... ien ......en .... eu .....”
De nouveau, le silence. M. Gael reste pensif un moment, se relève et marche.
Au bout d’une demi-heure, une plaque de fer apparaît dans la lumière. Des numéros et des lettres sont inscrits dessus. M. Gael les reconnaît : c’est l’immatriculation de sa voiture.
Il continue d’avancer, d’autres pièces tout aussi familières gisent.
Face à un grand pilier rouillé, il lève sa lampe torche et remarque des barbelés rattachés à celui-ci.
Il les ballade de son faisceau et constate qu’ils sont reliés à un autre pilier.
M. Gael recule d'un pas, horrifié.
Une roue, un pot d’échappement, des amortisseurs et bien d’autres restes pendent au milieu des fils métalliques.
Qui a fait ça et pourquoi ? Derrière les autres installations ferroviaires : un autre gouffre.
M. Gael ne peut plus partir, il est coincé ici.
Une clé atterrit à ses pieds. Elle est suivie d’une photo.
Il ne se souvient pas d’avoir vu ces deux objets auparavant.
Il les ramasse. On dirait une clé de service. Sur la photo, M. Gael reconnaît son ancien lycée. Au dos de celle-ci, un mot : « Viens ! »
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CHAPITRE 11
« Quel endroit pourri. Et dire que j'étudiai ici ! »
Ainsi fût la pensée de M. Gael à la vue du bâtiment.
Il se dirige vers une porte :« Entrée du personnel ».
Il tire la clé de sa poche, l’introduit dans la fente, la tourne, abaisse la poignée et ouvre.
Il pénètre dans un couloir, de longs tuyaux parcourent le plafond, des toiles d’araignée à n’en plus finir, et du matériel de nettoyage loge dans un coin. M. Gael empreinte un escalier qui l’amène au hall principal.
Premier réflexe : aller à la réception. La porte est ouverte, M. Gael rentre. Il commence à fouiller les papiers qui jonchent la table. Un message écrit en gros sur le mur retient son attention : « Vas-y, te gène pas ! »
M. Gael continue sa fouille. Il tombe sur un nom : Charles Gilbert, il est toujours là lui ? M. Gael regarde dans la boite à clés, il n’y en a qu’une.
Une lettre et un numéro sont inscrits dessus : C29. Premier étage, allons-y.
Arrivé devant la porte C29, M. Gael l’ouvre et entre. Le voilà dans une salle de classe particulièrement banale.
Sur le tableau, un message écrit à la craie : « Derrière toi. »
Il se retourne. Sa lampe torche dévoile une forme humaine gisant au sol. C’est une jeune fille allongée sur le ventre totalement inerte, est-elle morte ? On dirait bien.
Elle n’est habillée que d’une simple culotte de fer cadenassée : une ceinture de chasteté. Sa tête est recouverte de longs cheveux noirs. Son corps, d'une couleur gris-blanc, est parcouru de nombreux et légers stigmates. Qui a put faire ça ?
M. Gael préfère ne pas imaginer ce qu’elle a put subir, pauvre gamine.
La radio grésille. Automatiquement; M. Gael se met sur ses gardes. Il parcourt le périmètre de la salle, regarde par les fenêtres, balaye tout les recoins de sa lampe et examine même le plafond. Rien à signaler, mais la radio ne s'arrête pas pour autant. Il entend alors de légers pleurs.
D’où ça vient ? On dirait une... voix de jeune fille. De jeune fille ?
Aussitôt M. Gael se tourne vers le cadavre et constate avec effroi des spasmes nerveux qui secouent ce dernier.
Ses jambes se mettent alors à bouger, ses mains se plaquent contre le sol et ses bras poussent permettant au reste du corps de se lever.
La jeune fille est debout face à luI révélant ainsi son visage : Elle n’en a pas. Son torse quant à lui, est dépourvu de tétons et de nombril.
De petits piquants recouvrent l'avant de sa ceinture au niveau de l’entrejambe. Sa main se dirige vers une table à côté pour ramasser une énorme paire de lames : des ciseaux de jardinage.
Elle se dirige vers M. Gael d’une démarche à la fois traînarde et langoureuse. Sa tête est prise par moment de spasmes dans un rythme irrégulier.
Elle émet de suraigus gémissements à la fois plaintifs et satisfaits. Le grésillement de la radio se transforme alors en sifflement horriblement strident.
Le mélange de tout ces sons insupporte M. Gael, il ne peut rester plus longtemps ici.
Prit d’une soudaine panique, il s'enfuit de la salle en courant, et trouve refuge aux toilettes.
Il fait claquer la porte violemment derrière lui et tourne le verrou. Il peut maintenant souffler.
Au fond, il y a une fenêtre, en dessous de celle-ci, un jeune garçon assis par terre, la tête entre les mains.
M. Gael le reconnaît, c’est Enzo.
Il s’approche de lui, Enzo lève la tête.
Une grande tristesse se lit dans son regard. Il ouvre la bouche :
- Ah c’est vous...B’jour.
- Que fais-tu ici?
- Besoin d’être seul.
- L’endroit ne t’inquiète pas ?
- J’étudie là.
M. Gael ne dit rien pendant un moment puis reprend :
- Comment ça s’est passé ton rendez-vous fiston ?
Un soupir s’échappe d’Enzo.
- Elle m’a dit d’aller me faire voir.
- Ah, et qu’as-tu fait ?
Le jeune homme, les yeux pleins de larmes, tourne la tête vers M. Gael qui s’est rendu compte bien trop tard de la stupidité de sa question.
- Je suis allé me faire voir.
- Je... je suis désolé.
Les deux hommes restent silencieux.
- Vous savez... être seul, c’est quelque chose qu’on ressent beaucoup quand on voit des gens qui ne le sont pas.
- On s’habitue.
- J... Je ne veux pas finir seul.
- La roue tourne Fiston. A ton âge, j’étais dans le même cas.
Enzo sort sa petite poire et inspire dedans en la pressant.
- Et ça s’est passé comment ensuite ?
M. Gael laisse échapper un soupir à son tour.
- Je suis devenu flic.
- Ah,.... cool.
- Comme tu dis, cool.
Un nouveau silence fait surface. Puis Enzo se lève.
- Bon je dois vous laisser.
Il se dirige vers la porte mais avant qu’il n’ouvre celle-ci :
- Enzo !
Le jeune homme se retourne, M. Gael lui fait un clin d’oeil :
- Courage fiston.
Enzo ne répond rien et sort laissant M. Gael de nouveau seul.
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CHAPITRE 12
M. Gael ne s’est pas senti aussi con depuis bien longtemps. Tout seul dans ces toilettes, il se demande pourquoi avoir réagi ainsi. Après tout un cadavre sans visage qui marche, c'est courant ici.
M. Gael avale sa salive, et pousse la porte prudemment. De sa lampe, il scrute. Aucune hostilité de visible ? Sortons d’ici.
Il se retrouve dans un couloir dont des rangés de casiers longent les murs. Normal, on est dans un lycée.
Des feuilles s'éparpillent au sol. M. Gael les observe : des pages de cahier arrachées.
Sur chacune, le même mot écrit en rouge : « Salope. »
Des bruits métalliques résonnent. M. Gael s’y dirige, les sons viennent d’un casier.
Il remue. Quelque chose d'enfermée à l’intérieur peut être. M. Gael sort sa radio, aucun grésillement, aucune créature alors.
Les secousses du placard métallique s'intensifient de plus en plus. M. Gael avance sa main avec prudence, son majeur effleure la porte : le casier ne bouge plus. Par réflexe, ses doigts se retirent. De la serrure, un filet rouge s’échappe. Du sang ! Ca s’écoule aussi de chaque extrémité de la porte et des trous d’aération. Le casier saigne.
Le cœur de M. Gael se met à battre. Y'a quoi là dedans ? Avec les restes de courage au fond de lui, Il approche sa main à nouveau vers la porte, saisit la poignée, la tourne et ouvre lentement.
A sa grande surprise, tout ce qu’il y a à l’intérieur, c’est rien. Totalement vide, pas même une trace de sang. D’où venait-il alors ?
Au fond, un message gravé dans le métal : « Laissez-moi sortir ! »
Un énorme bruit de craquement suivi d’un impact résonne juste derrière M. Gael, son cœur a frôlé l'arrêt.
Il se retourne et c'est dans un nuage de poussière un placard à moitié enfoncé dans le sol apparaît. Il l’observe, rien d’anormal à signaler, en dehors de sa présence ici. M. Gael lève sa lampe torche et constate un gros trou au plafond d’où s’échappe de la poussière. La curiosité le pousse à aller y jeter un coup un coup d'oeil.
Il escalade alors le placard et arrive dans la pièce du dessus. Plusieurs bureaux sont présents. Sur chacun d’eux, au milieu des effets personnels, des plaques avec des noms écrits dessus. De part et d’autre de la salle, deux portes dont l’une est une sortie de secours. M. Gael se rend compte qu'il se trouve en pleine salle des profs.
Fouillant les rares tiroirs ouverts, il tombe sur deux rapports d'élèves : Enzo Sydney et Suzanne Alfing.
« Sydney ?... sûrement le nom de jeune fille de sa mère. » se dit M. Gael. Il tente de lire le rapport mais en vain : totalement illisible. Une grosse tâche d’encre recouvre le papier.
Il regarde alors le rapport sur Suzanne, et lit :
De bons résultats, participation rare mais honorable, Suzanne développe un bon sens de l’écriture et d’analyse de textes. Malgré tout, c’est une fille très renfermée et peu sociale. La psychologue de l’école s’inquiète sur son cas et se demande si elle ne subit pas de maltraitances au sein de sa famille. Des suppositions non prouvées mais non rejetés, à surveiller de près.
C. Gilbert professeur principal
Rien d'autre à signaler.
Il se dirige vers une des portes, abaisse la poignée mais hélas, elle est fermée. Il se dirige alors vers la sortie de secours, même scénario : fermée à clé.
Il tente alors de redescendre, le trou a disparu.
Bloqué, le voilà bloqué.
Un petit bruit de clé se fait entendre du côté de la première porte.
M. Gael s’interroge un petit moment et se dirige vers elle. Celle-ci est ouverte.
Il peut sortir.
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